Une fête foraine aux alentours de Beauxbâtons, l’occasion était bien trop belle pour être manquée. La rentrée approchait à grands pas et les vacances d’été n’avaient pas été particulièrement agréables pour Justin. Spécialement ces derniers jours qu’il avait principalement passé seul dans la grande maison qu’il avait héritée de sa grand-tante décédée. Il avait tourné en rond comme un animal en cage, comptant les jours qui le séparaient de son retour dans la société à proprement parler. Oh, bien sûr, il n’avait pas passé toutes ses journées affalé sur le canapé, s’abrutissant devant la télévision. Il était sorti, avait rencontré du monde, fait la fête lorsque l’occasion s’était présentée, mais ce n’était pas pareil. Amelia n’était pas là, il ne croisait pas Elisa au détour d’une rue, Alix ne débarquait pas au milieu des moldus alcoolisés pour l’emmener dans un coin. Et je pourrais continuer longtemps à vous citer une liste de noms qui lui mettaient le baume au cœur mais à quoi bon ? C’était loin, c’était oublié, il se mêlait à la masse de cette fête foraine, une cigarette à la bouche, un gobelet de bière à la main. À nouveau, il respirait. Enfin, il se sentait revivre. Un sourire au coin des lèvres, il embrassait la scène. Les manèges où se faisaient entendre les rires, la musique omniprésente où que l’on se trouve, ce bain de foule était exactement ce dont il avait besoin.

Il arrivait au jeune homme de croiser quelques camarades qu’il saluait à l’occasion, s’arrêtant même parfois pour une petite discussion mais rien qui importait réellement. Alors il continuait de marcher, cherchant désespérément la distraction qui en vaudrait vraiment la peine. Une raison de passer une nuit blanche à rire, à refaire le monde, à boire, à oublier tout ce qui fait mal, quelqu’un qui, l’espace d’un instant, vous donnait l’impression que demain sera un meilleur jour que le précédent. Et devant ce sourire qu’il aperçu au loin, il n’y avait plus de doute possible quant à la soirée qu’il allait passer. Alix… Bon sang, parmi tous les noms qu’il avait en tête, il avait fallu qu’elle se trouve là, au moment où il avait le plus besoin d’elle. Plus belle que jamais en cette fin d’après-midi, elle glissait dans la foule comme si personne ne méritait réellement son attention. Alors sans perdre une seconde, l’adolescent se fit un chemin au milieu de la cohue pour la rejoindre, certain qu’elle serait la solution de tous ses maux. Arrivé derrière elle, il lui prit la main et lui susurra quelques mots à l’oreille pour qu’elle sache immédiatement à qui elle avait à faire.

Et juste quand je commençais à désespérer, tu débarques comme si Dieu avait entendu mes prières. Mais te connaissant et vu les idées que ta présence me donne, je pense plutôt que c’est Satan le responsable…

Un clin d’œil accompagné d’un sourire et voilà que sans attendre une quelconque réponse de sa part, il l’entraina plus loin. Plus tôt cet après-midi, en arrivant à la fête foraine, il avait entendu parlé d’un train fantôme particulièrement… réaliste ? Enfin, c’était ce qu’il en avait déduit en voyant un gosse toujours en pleurs pendant que sa mère en expliquait la raison à son mari. Son témoignage lui avait donné quelques idées qu’il mourrait d’envie d’essayer en compagnie de… Comment qualifier Alix déjà ? Amie ? Amante ? Fêtarde invétérée ? Le genre de blonde qu’il est difficile d’oublier ? Je ne voudrais pas sembler réductrice car il est très difficile de lui mettre une étiquette. Alors Justin me souffle un petit « nana unique » pour mettre fin à ce débat. Donc passons, si vous voulez bien.

J’espère que t’as rien prévu de spécial, car j’ai quelques plans pour nous ce soir, ma belle.

Mais c’est qu’il est vraiment content de la revoir pour commencer doucement à lui faire du gringue le petit. Sa main toujours dans la sienne, il s’arrêta une fois à la caisse et demanda deux tickets au guichet. Maladroitement, il chercha désespérément de l’argent moldu au fond de ses poches et finit par le tendre après quelques minutes de guerre contre le bordel présent dans son jean magique. Bon, maintenant les détails techniques réglés, passons enfin aux choses sérieuses, voulez-vous ? L’étudiant finit d’une traite sa bière et lâcha la main d’Alix pour lui permettre de prendre place dans le chariot. Il s’assit à ses côtés et ramena la barre de sécurité contre eux avant de se coller contre elle alors qu’il y avait largement de la place pour trois.

T’as ta baguette ? Parce qu’il faut que tu te tiennes prête à jeter un petit sort sur les caméras de surveillance pour qu’on puisse sortir en douce de ce truc sans se faire remarquer pendant que je me chargerais de la barre. Dit-il en montrant le morceau de métal à sa camarade, tout sourire. On choisit un coin bien glauque pour y passer la soirée tout en provoquant des crises cardiaques à l’occasion… Qu’est-ce que t’en dis ? Ah et inutile de préciser que j’ai tout ce qu’il faut pour ne pas s’ennuyer dans mes poches… Il venait de jouer toutes ses cartes pour s’assurer une réponse positive de la belle. Mais, juste pour le geste, il se sentit obligé de finir par une énième connerie. Et si t’as vraiment trop peur, tu peux toujours compter sur mon corps pour… te protéger, bien entendu. Tu parles… protéger, pas sûre que ce soit le mot exact, mais bon.

Dans un grincement tout sauf rassurant, la petite voiture se mit en marche et franchit les portes battantes de la maison hantée. Pour parfaire la scène, ils pouvaient remercier le propriétaire pour la musique d’ambiance choisie parmi les meilleures bandes originales de films d’horreur. Restait plus qu’à voir ce fameux décor qui faisait pleurer les enfants pour décider si l’investissement en valait la chandelle… En attendant, Justin le chaud lapin passa un bras par dessus les épaules de la demoiselle, juste au cas où, voyez.

Malgré la légère peur de se voir éconduit, Justin ne ressentait rien d’autre que de l’excitation maintenant qu’il avait trouvé une camarade de jeu. Et quelle camarade ! S’il y avait bien eut quelqu’un pour pimenter n’importe quelle situation, c’était Alix. Elle savait y faire mieux que la plupart et lorsqu’on se retrouvait en sa compagnie, une chose était certaine : on passerait un moment mémorable. La jeune femme n’avait pas froid aux yeux et le Nîmois appréciait cette facette de sa personnalité ainsi que sa spontanéité qui entrainait des idées qui le surprendraient toujours. Mais revenons à nos hyppogriffes voulez-vous ? La belle semblait emballée par l’idée ce qui finit de détendre Lesieur qui, l’espace de quelques instants, avait craint de faire son escapade en solitaire. Il esquissa un sourire mutin alors qu’Alix lui offrait son rire qui lui avait que trop manqué. Main dans la main, les deux camarades prirent le chemin du train fantôme et finirent par prendre place sur un chariot après paiement. Avant le démarrage, le jeune homme en profita pour lui expliquer rapidement ce qu’il avait en tête et attribuer une tâche à chacun d’entre eux.

Néanmoins, il fallait noter que la jeune D’Aramitz était du genre un peu dissipée non ? À moins que ce ne soit lui qui commençait à fléchir devant les habitudes qu’elle reprenait tout naturellement. Il se mordit la lèvre inférieure pour réprimander une envie de rire ou de sourire comme un imbécile fini alors que son amie passait une main dans ses cheveux et l’achevait presque de ses lèvres sur son cou.

Mais tu sais que je compte toujours sur ton corps, Justin. Protège-moi fort des monstres... Il laissa échapper un petit rire devant la scène qu’elle lui offrait avant de la suivre dans son petit jeu. Tout de suite, très chère ! Autant commencer avant de les croiser…

Sans perdre une seconde, il s’empressa de passer une main sur ses épaules et fit un clin d’œil au gérant qu’il les regardait sans aucune discrétion. Le pauvre, vu comme ça, on devait sûrement croire qu’ils étaient en couple même s’il n’en était rien. Si Justin n’avait jamais réussit à définir leur relation en un mot, un seul, pour faire simple et que ce soit clair, sa comparse, elle, y parvenait très bien. Ils étaient amis, il n’y avait aucune passion cachée dans la tendresse qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre, aucune jalousie vis à vis du sexe opposé. Bien qu’il y ait une certaine attirance physique assez évidente qui donnait à leur amitié quelques petits bonus non négligeables de temps à autre. Comme cette main qu’elle glissa sous son t-shirt alors qu’il caressait négligemment sa nuque de ses doigts. La petite carriole se mit alors en marche, entraînant Alix et Justin dans les profondeurs de l’Enfer comme voulait le faire croire l’inscription sur les portes battantes.

L’atmosphère à l’intérieur du tunnel sombre était oppressante. À croire que certains moldus ne connaissaient pas encore la climatisation. Sans compter sur la belle qui n’arrangeait rien en faisant doucement monter la température à sa manière. Elle s’était doucement redressée pour titiller l’un de ses lobes d’oreille et il en profita pour glisser une main sur ses reins avant qu’elle ne fasse exploser les caméras d’un sort brillamment lancé.

Allez, sauve-moi donc, héros...

Le jeune Lesieur se saisit alors de sa baguette pour faire sauter les gonds de la barrière de sécurité qu’il écarta d’un coup de pied. Il se releva rapidement et mit pied sur le premier décor pour ensuite prendre Alix dans ses bras. Une fois hors du chariot, il resserra sa prise avant de lui voler un baiser, profitant de la proximité de son visage.

Princesse, vous avez désormais le choix de notre première scène du crime ! Ici même, Cerbère le gardien des enfers en compagnie de quelques âmes damnées. Il pivota pour lui faire apercevoir le prochain décor. Ensuite, un cercueil visiblement occupé par un vampire… Quel manque d’imagination… On pourrait peut-être y trouver une place confortable en délogeant son occupant. Je suis sûr qu’avec un peu d’imagination et de matos on peut rendre la chose beaucoup plus réaliste histoire de se… chauffer. Sans arrière pensée, bien entendu. Ce n’est pas mon genre.

Sur ces bonnes paroles, il la fit poser pied à terre afin de la suivre si jamais elle décidait de se rendre sur un autre plateau. Et, in-extremis, attrapa son sac qu’il avait laissé dans la carriole. Il guetta rapidement les coulisses pour voir s’ils n’y découvriraient pas de costumes ou de maquillage au passage mais Cerbère ne paressait pas garder grand chose qui leur soit utile. Peut-être auraient-ils plus de chance ailleurs…

Alix riait, comme ça ne lui arrivait pas souvent. Comme une enfant, un rire franc et guilleret, loin de ceux discrets et forcés qu'elle servait en temps normal. Ainsi perchée dans les bras de Justin, qui racontait elle ne savait quoi, Alix s'amusait. Il lui vola un baiser, elle ne réagit pas. C'était bien normal, après tout. Entre eux, ce genre de petites attentions ne sortaient pas de l’ordinaire. Et même que la demoiselle resta sur sa faim. Pour se venger, la blondinette se redressa légèrement et attaqua à nouveau le cou du jeune homme à coup de baisers légers, avant de rire légèrement à nouveau. Ce qu'elle aimait, en compagnie de Justin, c'était ne de plus avoir sur les épaules le poids de la vie, des normes et des conventions. Faire ce qu'elle voulait, quand elle le voulait, comme elle le voulait, où elle le voulait, sans que personne ne chuchote sur son passage, ne lui envoie des regards sombres et courroucés. « J'opte pour l'intimité du cercueil, preux chevalier. Le cerbère en papier mâché ne me tente pas du tout ». Elle accompagna sa déclaration d'un clin d'œil entendu. Chacun savait comment cette entrevue se finirait, comme toutes les autres, sûrement... le jeu était de se titiller le plus longtemps possible.

Posant enfin un pied à terre, la jeune femme attrapa la main de son comparse pour le guider vers le décors suivant. « C'est d'un goût atroce », commenta-t-elle en désignant les dessins qui se voulaient sûrement terrifiants. « Je ne vois pas ce qu'on peut trouver d'effrayant là-dedans, c'est tellement grotesque... ». Même la musique, qui imitait avec trop peu de réalisme le hurlement d'un loup-garou aurait fait rire n'importe quel enfant assez éveillé pour voir la blague. La jeune femme préférait de loin le programme prévu par Justin et la suite de la soirée, plutôt que de faire un petit tour dans une telle attraction.

Et Alix de se diriger vers le décors suivant d'un coup de baguette, ouvrir le faux cercueil, qui en réalité était beaucoup plus spacieux que ce qu'elle escompté. Loin d'être un palace, les deux jeunes gens pouvaient se tenir assis sans aucune difficulté. « Je n'ai rien pour égayer notre petit tête à tête, j'espère que tu as de quoi faire... ». La blondinette ne regrettait pas que Justin soit venu la trouver, elle le savait. Alix ne regrettait jamais les soirées en compagnie de son camarade, qui se finissaient en général bien agréablement, dans un monde certes parallèle, mais doux et enivrant. Combien de fois s'était-elle réveillée dans les bras de Justin, la tête contre son torse, des souvenirs flous de la soirée passée, mais heureuse ? Et Artémis pouvait lui envoyer autant de regard meurtriers qu'il le souhait quand elle s'éclipsait, ça ne changerait rien.

Un sourire mutin sur les lèvres, Alix entra dans la boîte après avoir poussé une marionnette qui représentait grossièrement un vampire toute canine dehors. Elle se servit du corps comme coussin pour s'appuyer au mieux, passant par réflexe une main douce sur son ventre légèrement rebondit. Comme pour protéger cette vie grandissante d'elle ne savait quoi, ou plutôt, comme pour s'assurer de son bien-être. Le paradoxe de la jeune femme résidait bien là:elle voulait cet enfant plus que tout au monde, mais ne se voyait pas changer de train de vie pour autant. Pas immédiatement. Pas tout de suite. Parce que la réalité était trop douloureuse. Parce qu'elle se savait effrayée de la réaction de sa famille. Parce qu'elle savait qu'elle perdrait tout à partir du moment où le secret n'en serait plus un.

« Tu viens ? ». Deux mots qui voulaient tout dire.