" Feet don't fail me now
Take me to the finish line
All my heart, it breaks every step that I take. "

Rares étaient les nuits où elle pouvait tomber dans les bras de Morphée en l'espace de quelques secondes, voire y tomber tout court. Depuis la mort de son frère Isolda avait peu à peu perdu la notion d'une bonne nuit de sommeil.
Au départ, celles-ci s'étaient remplacées par des cauchemars, par des nuits tantôt faites de larmes tantôt faites de soupirs, les gouttes salées ne parvenant pas à perler sur ses pommettes. Elle s'était habituée à ne plus être fatiguée lorsque pointait la nuit, à trouver des distractions plutôt que de fixer le plafond vainement dans l'espoir de rejoindre le royaume des rêves ou tout du moins celui du néant. Auriez vous demandé à toute personne omnisciente de la tragédie d'Izy, elle vous aurait sans doute confirmé que c'était un des facteurs qui avaient permis le déploiement de ses addictions.

Ce soir là comme tant d'autres auparavant, elle ne s'était même pas donné une chance de s'endormir. Durant toute la journée, chaque cours l'avait plongé dans une somnolence plus importante que le précédent et maintenant qu'enfin elle n'avait plus à subir ni sortilège ni métamorphose, elle entendait bien profiter de sa nuit comme elle en profitait souvent : accompagnée de verres en cristal et d'une bouteille. Isolda plaça comme à son habitude ces items dans son petit sac sans fond, elle s'enveloppa d'une épaisse cape de laine noire et s'apprêta d'un bonnet et d'une écharpe assortis pour la protéger de la fraîcheur de la nuit. Elle savait qu'il existait un couvre-feu dans le Règlement Intérieur, pour autant elle ne s'était encore jamais fait prendre et ce n'était pas quelque chose qui l'effrayait tant que ça - elle comptait sur son charisme naturel pour résoudre les problèmes qui pourraient lui tomber dessus - même si dans l'immédiat, moins elle avait affaire avec le comité où une quelconque figure autoritaire, mieux elle se portait.

Isolda quitta la Tour discrètement et suivit son chemin habituel, à l'abri des regards. Cela faisait déjà quelques heures que le coup des 22h du couvre-feu avait sonné et aucun bruit ne se faisait entendre quelque soit le lieu qu'elle traversait. D'un pas discret mais néanmoins rapide, elle perça par les jardins jusqu'à parvenir aux bois de l'Académie qu'elle connaissait désormais aussi bien que son livre favori de mythologie grecque. Une fois qu'elle eut retrouvé son point de repère, elle se dirigea instinctivement vers le clapotis de la rivière menant à Vaux-les-Pins. Sur sa rive, à la lumière de la pleine lune elle distingua l'image familière du lieu où elle s'était tant de fois réfugiée le soir, la tête embrumée par l'alcool imbibé. Il s'y trouvaient quelques rochers qui formaient des sièges à piètre allure mais un tant soit peu décents pour y rester quelque temps.

Bien enveloppée dans sa cape, elle s'assit à sa place fétiche, à quelques mètres de l'eau sifflotante. Ici, le calme de l'endroit contrastait avec la tempête qui régnait en elle, c'est pourquoi elle l'aimait tant. Si près de l'eau elle pouvait non seulement noyer ses pensées dans la boisson mais également submerger ses regrets dans l'eau de la rivière.
Isolda sortit un verre de cristal de son sac et, de l'autre main elle se servit du contenu de la bouteille qui se révélait être de la vodka ce soir. Izy grimaça. Elle préférait les cocktails et les bulles mais leurs effets étaient nettement moins rapides. Une fois son verre plein, elle le posa sur sa cuisse s'alluma une cigarette mentholée. Quitte à aller en Enfer, autant faire les choses bien.

HRP: