On glisse petit à petit dans la folie. C’est un mal qui vous ronge de l’intérieur, qui vous détruit, bout par bout. Mais les fous ne s’en rendent pas compte. Ils ne savent pas qu’ils sont atteints de cette maladie. Le plus dur, lorsque la folie nous guette, c’est le regard des autres. Tous ces yeux braqués sur vous, vous observant de loin, vous jugeant, vous plaignant. Mais lorsque tout le monde vous le fait croire, vous fait croire que vous avez cette folie en vous, c’est à ce moment là que tout peut partir en vrille. Elle en avait la preuve ce soir là. Elle en était l’exemple, de cette folie inventée. Elle avait fini par le croire. Oui, elle avait fini par pensée que c’était elle, le problème. Pas les autres. Elle avait sombré. Et elle venait d’atteindre le fond du gouffre. Elle venait de s’étaler contre les pavés froids de ce puits. Elle avait perdu le contrôle, tout simplement. Elle les avait laissé passer. Dans sa tête. Ces voix. Tout ça parce qu’elle avait voulu être normale, rien que pour une soirée. Etait-ce trop demandé ? Visiblement oui.
Elle était recroquevillée sur elle-même. Impuissante. Elle pouvait sentir qu’elle était devenue l’attraction principale de la soirée. Elle sanglotait. Des larmes de peine. De rage. Elle s’en voulait. Oui elle s’en voulait terriblement. Tout ça était de sa faute finalement. C’était elle qui avait voulu venir, personne ne l’avait forcé. Elle n’était même pas la bienvenue de toute manière. Quelle conne. Elle se trouvait stupide, assise là au milieu des boissons renversées et devant un tas de gens, qui comméreraient dès la minute où elle aura quitté la pièce. Elle ne pouvait plus pensée. Elle entendait tout. Du repas qu’avait mangé le garçon de table, aux pensées plus vicieuses et plus blessantes de ses camarades. « Si tu ne veux pas les entendre, concentre-toi sur ma voix. Lena, j’suis là. »
Le silence. Elle s’arrêta de pleurnicher. Une voix familière, une voix réconfortante. Elle leva ses yeux mouillés de larme. Artémis. La seule personne qui ne la jugeait pas. La seule personne avec qui elle se sentait vraiment à l’aise. Avec qui elle n’avait pas besoin de paraître garce. Avec qui elle pouvait être elle-même. « Ecoute-moi. » Sa voix résonnait dans son esprit. Comme un écho lointain. Elle ne voulait pas qu’elle disparaisse. Elle ne voulait pas la perdre. Le perdre. Perdre cette connexion. Elle son concentra. La voix du jeune Hypnos se fit de plus en plus forte, de plus en plus claire. Elle les voyait. Ses pensées. Les jardins de l’institut. Les balades à cheval. Elle sourit. Le moment où elle avait lu ses sentiments. Il la releva calmement. L’amena à l’écart de tous ces vautours qui s’étaient rassemblés autour de la table, enfin tout du moins, de ce qu’il en restait. Il la serra dans ses bras. Personne ne l’avait jamais serré dans les bras. Elle nicha sa tête dans le cou du jeune homme. « Sort moi de là… »
